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Comment permettre aux personnes d’accéder, de comprendre, d’évaluer et d’appliquer des informations dans le domaine de la santé ? Organisation, accès, mise en relation, dialogue… pour tout comprendre, découvrez le parcours de Jules qui se questionne sur les IST - INTERACTIONS SANTE juin 2023 "Littératie en santé : ces petits riens qui font beaucoup !"

Que se cache t-il derrière la notion de littératie en santé ? Celle-ci ne saurait se résumer à des aptitudes individuelles permettant de décrypter la complexité du monde médical. Ni à des opérations de communication réservées à ceux dont c’est le métier.

La littératie en santé se niche entre le professionnel et l’usager, entre l’institution et le citoyen. Chacun d’entre nous en a fait l’expérience à l’hôpital, en tant que patient ou accompagnateur : s’orienter dans les services, comprendre les informations, pouvoir parler en toute confiance, savoir quelles seront les différentes étapes…

Dans tout ce parcours,  l’organisation, l’accès, la mise en relation ou le dialogue, sont autant de facteurs qui vont aider l’individu dans son rapport à la santé. Alors qu’est-ce que la littératie et quel est son rôle dans la santé des populations  ? Et dans une approche plus large de promotion de la santé, qu’est-ce que cela englobe ?
Pour mieux comprendre, après de premiers éclairages, nous suivrons le parcours de Jules, qui se pose des questions sur les infections sexuellement transmissibles.

Quelques définitions

La littératie a été appliquée dès les années 70 au domaine de la santé par la recherche. Il faudra en revanche attendre 2016 pour qu’une définition soit issue du consortium de 8 pays européens et 2018 pour que les enjeux de littératie en santé soient pris en compte dans la Stratégie Nationale de Santé. Celle-ci définit la littératie en santé comme « la capacité des individus à comprendre et utiliser l’information de santé pour faire des choix responsables et éclairés ».

Nous proposons de nous intéresser à une définition plus complète et qui fait lien avec le champ de la promotion de la santé : “la littératie en santé comprend « Les connaissances, la motivation et les compétences permettant d’ACCEDER, COMPRENDRE, EVALUER et APPLIQUER de l’information dans le domaine de la santé ; pour ensuite se forger un jugement et prendre une décision en termes de soins de santé, de prévention et de promotion de la santé, dans le but de maintenir et promouvoir sa qualité de vie tout au long de son existence. » (Sørensen & Van den Broucke, 2012)

Au prisme de la promotion de la santé, et tel que nous l’appréhendons à l’IREPS ARA, la littératie en santé englobe les ressources et compétences qui permettent aux individus – utilisateurs et acteurs du système – de mobiliser les informations concernant la santé dans l’organisation complexe des services.

Un déterminant de la santé

On comprend ainsi que la littératie en santé est un déterminant de santé non négligeable qui favorisera, selon son degré de développement, l’adoption de comportements favorables à la santé. En effet, une personne avec un faible niveau de littératie sera “moins susceptible d’adopter des comportements favorables à la santé, de participer à des programmes de dépistages et d’utiliser les services de prévention”En revanche, une personne avec un bon niveau de littératie aura plus de chances d’appliquer correctement un traitement, de connaître moins d’hospitalisations : elle sera en capacité de faire des choix plus éclairés dans lesquels elle aura une plus grande confiance et qui lui permettront d’adopter des comportements plus favorables à la santé.

Mais si la recherche est assez avancée sur les enjeux de la littératie en santé, il n’en est pas de même dans les pratiques professionnelles.
Comment se saisir de la littératie en santé en faveur de la santé des publics accompagnés ? 

Intéressons-nous à une situation d’exercice de la littératie en santé – Illustration à travers le parcours de Jules 

Jules est un jeune étudiant de 18 ans qui a eu un rapport sexuel non protégéIl s’inquiète à propos d’éventuelles infections sexuellement transmissibles.  
Il a entendu il y a peu que les IST remontaient en flèche chez les jeunes, et c’est la peur qui le pousse à se questionner. L’état émotionnel de Jules compte pour beaucoup dans sa démarche d’engager une recherche d’information. 

Ce que Jules ferait peut-être spontanément en suivant les 4 étapes d’une recherche d’information en santé : 

ACCEDER

Il se renseigne via des sites web pour essayer de trouver les informations qu’il cherche. Il fait part de son inquiétude à son groupe d’amis et chacun y va de son conseil.

COMPRENDRE

Jules cherche à comprendre dans quelles situations il court un risque de transmission d’IST et comment réagir à la suite d’un rapport non protégé. Il croise les informations trouvées sur le web avec les expériences partagées par ses amis.

EVALUER

Jules se rend compte qu’il reçoit des informations assez différentes les unes des autres, certaines sont même contradictoires. Ses amis, qui se sont déjà trouvés dans cette situation, lui disent qu’une fois que le rapport non protégé a eu lieu il est trop tard et il faudra qu’il se fasse dépister. Pourtant il lui a semblé voir une information sur un traitement à prendre en urgence jusqu’ 48h après le rapport.

APPLIQUER

Jules doit maintenant faire un choix et mettre en pratique les informations trouvées. Il a identifié les mesures à prendre à la suite d’un rapport non protégé, il va agir en fonction de l’accessibilité au traitement, son coût, s’il peut en trouver proche de chez lui.

Vous êtes les professionnels qui gravitent autour de Jules. Comment pourrait-on améliorer son niveau de littératie en santé ?
Quelles actions mettre en place pour lui permettre à la fois de mieux accéder à l’information, de mieux la comprendre, de l’évaluer de la manière la plus juste possible et de prendre la décision de l’appliquer tout en en ayant les moyens de le faire ?  

Jules se trouve dans une situation où une problématique se pose. Avant même qu’il ne cherche à accéder à l’information, Jules doit identifier ce qu’il recherche. Cette étape peut être soutenue par les professionnels qui l’entourent afin de l’aider à cibler sa recherche.  
On considérera que Jules ici recherche prioritairement des informations sur la conduite à tenir en cas de rapport sexuel non protégé. 

Dans son parcours, Jules peut être soutenu par diverses actions en lien avec la littératie en santé

Différents niveaux d’intervention sont identifiés dans chaque étape : organisation, qualité de la relation et compétences des individus.

ACCEDER
  • Les professionnels du centre de dépistage sont présents au réfectoire du CROUS et informent les étudiants qu’ils peuvent anonymement et gratuitement se faire dépister ou simplement rencontrer un professionnel pour des informations relatives aux IST. [organisation et relation] 
  • Le service de santé de son lieu d’étude distribue à l’ensemble des nouveaux étudiants un guide santé qui recense les services accessibles aux étudiants et leurs modalités (24/24h, dispense des soins, accueil sans rendez-vous…). [organisation]
  • Une association de lutte contre le SIDA laisse au sein de l’université des affiches et des cartes pour informer sur le numéro d’appel gratuit. [organisation]
COMPRENDRE
  • Une association qui agit en faveur de l’accès aux soins pour tous publie une brochure sur les IST avec des dessins et des mots simples, il n’y a pas ou peu de termes médicaux. Elle donne les informations essentielles que cherchait Jules sur les IST et aussi comment réagir. [organisation]
  • Une infirmière accueille Jules lors d’une consultation. Elle perçoit son angoisse, l’écoute attentivement et lui explique qu’il existe des traitements d’urgence même plusieurs heures après le rapport à risque. [relation]
  • Le service de santé de son lieu d’étude a convié un groupe d’étudiants relais santé pour identifier la manière la plus adaptée aux étudiants pour communiquer sur les IST et la manière de réagir après un rapport à risque de pair à pair. [organisation]
EVALUER
  • Un atelier « Evaluer l’information sur internet » est mis en place auprès des étudiants[compétences]
  • Les professionnels qui accompagnent Jules adoptent une attitude bienveillante. Il ne se sent pas jugé et se sent donc à l’aise d’exprimer ses doutes et inquiétudes. [relation]
APPLIQUER

Les lieux distribuant le Traitement Post-Exposition pourraient être multiples, ce qui permettrait d’y avoir accès même en étant éloigné d’un hôpital[organisation]

  • Jules comprend qu’il court un risque d’avoir été exposé au VIH et se rend en premier lieu aux urgences pour bénéficier du Traitement Post-Exposition. [compétences]

Au travers de ces quatre étapes de traitement de l’information en santé (Accéder, comprendre, Evaluer, Appliquer) se traduit la littératie en santé. L’information en santé porte sur de nombreux sujets : déterminants de santé, système de santé, facteurs de protection / de risques, la maladie, le corps… Elle est véhiculée par différents canaux et personnes dans des environnements qui vont plus ou moins permettre aux personnes d’exercer leur capacité à traiter l’information.  

La littératie en santé… par où commencer ?  

Tout le monde est concerné : bénévoles, professionnels et élus ont leur rôle à jouer pour renforcer la littératie en santé des individus. Au travers du parcours de Jules, nous avons pu identifier les 3 niveaux d’intervention complémentaires à mobiliser. 

Faciliter l’accès aux services – Littératie Organisationnelle 

  • Mettre en place une signalétique pour fluidifier la circulation dans la sécurité des corps et des esprits.
  • Favoriser la compréhension des messages santé dans une perspective “communiquer pour tous ». 
  • Penser une organisation structurelle des services et des structures propices au travail des professionnels, dans des conditions optimales pour pouvoir accomplir leur mission en direction des usagers. 

Il s’agit de la qualité relationnelle des professionnels, bénévoles, élus auprès des citoyens usagers. La confiance institutionnelle sera également un facteur de recours aux soins et aux droits et de citoyenneté.

Sensibiliser les acteurs à l’importance de la qualité relationnelle

Accompagner les professionnels à être force de propositions pour penser avec les publics :

  • Des espaces d’accueil favorables à un climat serein.
  • Des agencements propices à l’interaction.
    Cela permet de favoriser la capacité d’écoute des besoins pour faciliter la prise en charge ou l’orientation des personnes, avec leur adhésion.

Développer les compétences des personnes pour les accompagner à : 

  • Permettre à la personne d’identifier quel est son besoin de recherche d’information.
  • Partager cette recherche d’information avec des interlocuteurs (conjoint, proches, médecin…).
  • Puis accéder/comprendre/évaluer/appliquer l’information en santé dans un état d’esprit émotionnel serein. 

En résumé, les 3 niveaux d’intervention

Leviers et points de vigilance

Au-delà de la montée en compétences des individus, des environnements favorables à la littératie

Plus qu’une question des aptitudes ou habiletés des individus, la littératie mérite d’être envisagée comme la capacité des institutions et organisations elles-mêmes à créer les conditions nécessaires (moyens, organisation et culture de travail) pour que les professionnels puissent remplir leurs missions au mieux auprès des usagers, et pour que les usagers se sentent en capacité de comprendre et interagir avec les environnements, les services et les personnels. Ces conditions sont propices à des pratiques professionnelles et des expériences favorables à la littératie. Il s’agit de réduire la complexité non nécessaire afin de rendre la navigation, la compréhension et l’utilisation des informations et des services plus faciles (Brach, 2017).  

Un premier levier à mobiliser : la communication

L’information en santé n’est pas toujours bien comprise par le public qui la reçoit. Termes médicaux, filtre émotionnel, recommandations difficilement compréhensibles sont autant de déterminants qui vont avoir un impact sur l’accessibilité de l’information en santé par tous. Pour cela, les organisations peuvent travailler leurs éléments de langage, leurs supports écrits, pour en faciliter la compréhension, former les professionnels aux conditions d’accueil. Il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit que d’une pièce du puzzle et que l’environnement dans lequel évoluent professionnels et personnes accompagnées doit être soutenant pour favoriser une communication efficace. 

La mesure du niveau de littératie en santé : un support pour la recherche

De nombreux écrits sur la littératie en santé font état de mesure du niveau de littératie ainsi que d’échelles associées qualifiant les personnes à « faibles ou hautes compétences en littératie ». Ces échelles ont principalement été pensées pour la recherche et pour l’évaluation d’actions prometteuses sur la question.
Notre approche de la littératie en santé, dans sa vision élargie, s’intéressera davantage à considérer les environnements actuels, leurs complexités et la manière dont l’information circule afin de comprendre les mécanismes à l’œuvre ne permettant pas aux personnes d’accéder à un niveau de littératie suffisant plutôt que de travailler le niveau de littératie des individus.

Sélection de ressources

  • Communiquer pour tous : guide pour une information accessible : Guide pratique de Santé publique France à l’attention de tous ceux qui souhaitent concevoir une information accessible à tous. En savoir plus
  • La littératie en santé : d’un concept à la pratique : Guide d’animation de Cultures & Santé qui offre des repères pour comprendre ce que recouvre le concept de littératie et des pistes d’animation à utiliser avec un groupe. En savoir plus
  • Fiches LISA : Fiches pratiques réalisées par Cultures & Santé pour sensibiliser les professionnels au renforcement de la littératie en santé et leur donner des pistes d’action. En savoir plus
Rédaction : Agathe CASSET – Promotion Santé ARA
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